La construction européenne doit-elle s’accompagner d’une approche commune de la notion de Laïcité ?
La construction européenne a commencé voilà plus d’un demi-siècle. Nous autres, Francs-maçons, nous ne pouvons que soutenir et œuvrer pour une Europe démocratique et laïque. Or si la démocratie est la condition exigée pour un pays prétendant à rejoindre l’Union, la laïcité par contre n’est pas une exigence reconnue.
De plus cette notion de Laïcité est souvent mal comprise hors et même trop souvent à l’intérieur de nos frontières.
Ceci explique sans doute les termes choisis de la question posée. Ne parler en effet que « d’accompagnement », « de notion », « d’approche » nous paraît très peu ambitieux par rapport au défi d’une construction européenne qui subit de plus en plus le lobbying pressant des religions.
Souvenons-nous du débat sur les origines chrétiennes ou judéo-chrétiennes de l’Europe qui a parfaitement conclu que toute référence à une religion conduisait à une division et à des affrontements (en omettant de plus de signaler toutes les autres influences arabo-musulmanes, gréco-latine pour ne citer que les plus visibles).
L’intensité du lobbying encore permanent des divers groupes religieux auprès du Parlement et de la Commission Européenne montre bien l’intérêt stratégique et politique de cette problématique.
Ainsi le mot « notion » c’est-à-dire l’idée que l’on a quelque chose, s’éloigne de la dimension universelle que nous signifions nous autres, Francs-maçons, à la laïcité.
Pour vivre ensemble reconnaître à l’autre les mêmes droits de citoyen européen il faut absolument dépasser les clivages relevant des religions. Il y a en effet incompatibilité des religions monothéistes avec le progrès humain et social de l’Europe.
Les positions prises, par ces religions patriarcales, à l’encontre des femmes par exemple (avortement, contraception, utilisation du préservatif…) vont à l’encontre du progrès social.
Au-delà des pluralités géographiques, historiques ou religieuses tous les peuples ont en commun la construction et l’adhésion à une idéologie qui repose sur des valeurs morales. Mais ces valeurs ne peuvent s’accommoder d’exclusion, de discrimination ou de reconnaissance communautaire ou identitaire.
Depuis plus de cinquante ans (1951 naissance de l’Europe), nous essayons de construire une Europe, fédéraliste ou autre, mais force est de constater aujourd’hui qu’il est illusoire de croire à une « Nation »européenne. En fait nous somme devant une « fédération d’Etat Nation » comme l’écrivait il y a déjà plusieurs années Jacques DELORS et non pas citoyens des « Etats-Unis d’Europe ».
L’élargissement de l’Union Européenne à 27 états pose effectivement une question cruciale celle d’une identité collective européenne au-delà des particularismes culturels et religieux et des traditions locales.
Pour nous sentir vraiment européen au-delà d’une monnaie commune et des échanges économiques élargis, au-delà des coopérations entre états, au-delà d’actions communes, il nous faut trouver le dénominateur capable de rassembler et d’être le terreau d’une citoyenneté européenne. Sommes-nous tous conscients de ce qui nous unit en Europe ?
Le marché commun c’est bien, une identité commune c’est mieux !
Pour permettre à cette identité commune de voir le jour et au regard des situations particulières de chaque pays, seule la laïcité partagée peut permettre ce ciment entre les peuples.
En effet, les États membres de l’Union Européenne n’ont pas d’approche commune quant aux rapports entre les religions
et l’Etat.
La France est le seul pays européen qui fait de la laïcité un principe constitutionnel (raison suffisante pour refuser la notion « d’héritage chrétien » européen dans le préambule de la Charte des Droits fondamentaux).
Ailleurs, et selon les États les situations sont très différentes : Huit pays font expressément référence à Dieu dans les préambules de leur constitution.
Il est donc impossible pour créer cette forme de légitimité de faire appel aux religions. Seule effectivement une approche éclairée et pédagogique de la laïcité pourrait permettre de créer « ce ciment » qui unirait les 27 pays de l’Europe.
Pour cela il faut rappeler, pour convaincre et non pour contraindre, que la laïcité c’est la protection de la liberté de conscience qui inclut la liberté religieuse. La laïcité protège donc les religions, toutes les religions, comme elle protège les athées, les agnostiques et tous les autres.
Cependant, les religions à partir du moment où elles ne revendiquent pas des prises de décisions politiques dans l’espace public sont à respecter. A chaque état de veiller à l’égalité des cultes et de leur libre pratique.
Notre espoir c’est de développer une certaine fraternité entre tous les citoyens qui forment cette nouvelle Europe, sans être trop ambitieux ; de façon très pragmatique c’est « vivre ensemble » dans le respect des croyances de chacun.
L’enjeu est immense mais primordial : articuler parmi ces 27 pays (et demain ou après-demain 30 voire plus), diversité culturelle, cultuelle, et unité du lien politique et social, promouvoir la diversité sans aboutir à une juxtaposition de communautés dont les membres seraient englobés par une appartenance, seule, une laïcité bien comprise peut y parvenir en plaçant l’intérêt général au-dessus des particularismes.
Éviter les discriminations de toutes origines, respecter les différences sans jamais qu’une de ces différences ne dicte sa loi, n’est-ce pas là le combat que nous menons en tant que Francs-maçons dans le monde profane.
La construction européenne doit donc, non seulement s’accompagner d’une approche commune de la laïcité, mais nous devons tout mettre en oeuvre pour assurer la réussite de ce dénominateur commun à tous ceux qui se réclament d’une identité européenne : «ce supplément d’âme » qui fait cruellement défaut à cette nouvelle Europe. Sinon, nous dirons comme Milan KUNDERA « Être Européen c’est avoir longtemps encore la nostalgie de l’Europe ».
Mais attention, cette approche d’une notion de laïcité ne peut avoir qu’une seule forme et représentation commune à l’ensemble des européens, celle que nous défendons en Franc-maçonnerie, celle qui prévoit la séparation des églises et des états, celle qui n’a pas besoin de qualificatif ajouté à son nom et qui n’est pas négociable.
Synthèse régionale de la région Alpes-Côte d’Azur à laquelle nous appartenons.