L’Euthanasie

préambule: Ce travail a été présenté le 24 janvier 2004, la date est importante sur ce sujet qui a évolué depuis et qui est appelé à évoluer encore.

L’Humanité est condamnée au progrès à perpétuité, donc à la Vie……et la Mort, aussi!

Comment aider le mourant sans renoncer?

Comment rendre supportable la fin de vie et acceptable l’entrée dans le néant de la mort?

Euthanasie:un terme qui ne doit pas changer d’acceptation et n’a pas de pluriel!

Quelle n’a pas été ma stupéfaction en découvrant, page 705 du Grand Robert ( dictionnaire alphabétique et analogique de la langue française de 1970) que l’euthanasie y faisait l’objet d’une double définition, l’une classique: méthode procurant une mort sans souffrance, afin d’abréger les tourments de l’agonie ou d’une maladie tres douloureuse à issue fatale; l’autre ainsi libellée: « par extension: théorie selon laquelle il est légitime de supprimer les sujets tarés ou de précipiter la mort de malades incurables ».
Pour l’instant si nous n’envisageons que la clause concernant la suppression des sujets tarés, on se demande quelle mouche, ou plutôt quel serpent venimeux a bien pu piquer les rédacteurs de ce texte scandaleusement monstrueux. On commence par mettre à mort, comme un taureau à la fin d’une corrida, les mal formés,les enfants et les adolescents idiots, les adultes atteints de troubles psychotiques, puis les grands handicapés jugés irrécupérables, puis les vieillards déchus dont les bouches édentées sont devenues des bouches inutiles; en un mot tous les individus dont la valeur sociale, autrement dit la valeur marchande, peut être tenue pour nulle! Enfin graduellement et insensiblement on en arrive au seuil de l’idéologie nazie, selon laquelle il est des races tarées et indésirables: Hitler et ses partisans( qui n’ont pas tous disparus et que l’on voit même, depuis quelques années, se démasquer et relever la tête) se proposaient de réduire le nombre des slaves et des noirs et de supprimer totalement les tziganes et les juifs: solution finale qui, en les débarrassant des  « sous hommes », laissaient le champs libre à la race des seigneurs aryens. Ces idéologues non seulement n’ont pas disparus mais ils ont fait école (Staline, Mao…..Cambodge, Mexique (Chiapas)……) et peut être sourdent dans l’inconscient de nos technocrates économiques de la « fin de vie).
Au vrai il s’agit là d’un génocide, d’une pseudo euthanasie à prétention eugénique, dont les adeptes et les propagandistes trouvent la justification dans les propos cyniques de Platon:  « les citoyens  qui ne sont pas sains de corps et d’âme, tu les laissera mourir, dans l’intérêt collectif de la Cité », de Nietsche: « il faut se débarrasser des parasites de la Société qui ont l’inconvenance de vivre », ou dans une interprétation tendancieuse et erronée des récentes acquisitions de la génétique, qui, s’inscrivent à l’inverse contre toute discrimination humaine quelconque soit elle.

N’insistons pas et proclamons que, portant atteinte à la dignité l’Homme, ce génocide pseudo euthanasique ne peut être que rejeté et traqué par tous. D’une part les progrès de la science, et d’autre part certains médias, dont l’influence n’est pas toujours bénéfique et même, parfois,voir trop souvent, la confusion dans l’opinion publique, ont introduit dans le chapitre euthanasie des formes de mort discutables. Il en va ainsi de la mort provoquée par renoncement thérapeutique, qui soumet à rude épreuve la conscience des médecins, en raison des perfectionnements, naguère inconcevables, des méthodes de réanimation.
N’oublions pas qu’aujourd’hui on guérit à 90%certaines pathologies mortelles à 100% il y a seulement quelques dizaines d’années! « arrêter la machine à survivre » ne constitue pas un meurtre à condition , bien entendu, que l’on ait su distinguer « coma  prolongé », éventuellement réversible, et « coma dépassé », indiscutable lorsque pendant  48 heures les tracés encéphalographiques se trouvent réduits à une ligne droite. L’acharnement thérapeutique, qui est de mise tant que persiste la plus petite lueur d’espoir, ne doit pas être confondu avec une obstination  thérapeutique déraisonnable lorsque se trouve confirmée la mort définitive du cerveau.
L’euthanasie ne consiste pas à tuer, mais à procurer au moribond une mort digne et aussi peu pénible que possible, un apaisement des douleurs physique et de l’angoisse prémonitoire, à plus ou moins long terme, d’une issue fatale. La dignité du mourant n’est pas dans l’absence des « tuyaux, sondes, écrans et autres bips » mais bien dans la possibilité de recevoir sa dose d’antalgiques au bon moment, d’être toiletté ( croupir dans ses excréments, supporter les plis des draps imbibés d’urine est effroyable) et d’avoir l’entourage médicalisé et affectif suffisant et nécessaire.
D’où la validité permanente de la définition de l’euthanasie donnée par Littré:  « Bonne mort, mort douce et sans souffrance ».

Toutefois mérite d’être envisagé le bien fondé d’une variété d’euthanasie dite active qui consiste à hâter la mort, voir à la procurer de façon délibérée, par pitié ou par charité, lorsqu’elle est réclamée, soit par un malade lucide mais à bout de force, soit par l’entourage de ces malades.
Lorsque la requête émane de l’entourage  bouleversé d’un être cher ou horrifié par sa déchéance, les mobiles  ne sont pas toujours, volontairement ou inconsciemment, désintéressés. Cette euthanasie compréhensive, voir de complaisante, est à rejeter.
Mais, même sollicitée par le malade lui même, l’euthanasie active  constitue  une pratique discutable qui compte ses partisans et ses détracteurs. Sur le plan de l’éthique, le respect de la vie étant absolu, dans aucune circonstance le médecin n’a le droit de provoquer la mort! Sur le plan religieux, la peur de la mort n’existe que dans les religions abrahamiques. Le problème de l’euthanasie est une préoccupation exclusivement occidentale et la civilisation occidentale rejette le principe de l’euthanasie active.

Combien nombreux sont ceux qui, en pleine lucidité, au début de leur maladie, si ce n’est avant son déclenchement, ont exprimé le désir que leur médecin consente à précipiter  une fin trop pénible et qui, le moment fatal arrivé, s’accrochent irrésistiblement à la vie pour reculer l’instant fatal. Souvenons nous de la fable de La Fontaine :  la Mort et le Bûcheron: «  plutôt souffrir que mourir, c’est la devise des hommes ». Esope l’avait déjà dit six cent ans avant Jésus Christ!
En pratique chaque cas pose un problème particulier , de sorte qu’il ne saurait y avoir de comportement ni stéréotypés ni même rationnel. Pouvons nous tracer une frontière  nette entre euthanasie passive et euthanasie active? La seule différence réside dans l’intention et se traduit par la posologie employée: utilisera t’on la dose minimale susceptible de rendre la souffrance à peu prés supportable, ou des doses telles que leur toxicité se montrera mortelle à brève échéance. Entre dose apaisante et dose mortelle la marge est étroite; et combien subjectifs sont les arguments que chaque médecin se donnera à lui même pour expliciter sa conduite.
Si nous considérons que le prolongement de la vie n’est pas une fin en soi, que le soulagement des souffrances, que la dignité de la mort sont tout aussi importants, si nous nous refusons à bannir systématiquement, en l’assimilant  à un homicide, une euthanasie  un tant soit peu active, nous nous trouvons amenés à nous insurger contre toute jurisprudence. Légiférer sans admettre la moindre transgression à la loi conduirait obligatoirement, soit à criminaliser l’euthanasie active ( d ‘ailleurs interdite dans de nombreux pays étrangers), soit à la banaliser sous l’influence  de courants d’opinion à la mode, de campagnes orchestrées par les médias, de mouvements de revendication humanitaires, sinon libertaires, sur lesquels les lois ont de plus en plus tendance à s’aligner frileusement.
N’oublions pas que les « agissants » extérieurs, qu’ils soient donneurs d’ordre ou exécutants tombent sous les lois; donc il faudra tenir compte du code pénal et du code civil actuels et en aménager  ou supprimer  certains décrets ou articles :
Code pénal:  a.221: est homicide volontaire tout acte de provoquer la mort d’autrui dans le dessein de lui épargner des souffrances.
a.223-6:obligation d’assistance à personne en danger.
a.223’13 et 14: réprimant l’incitation au suicide.
Code civil:    a.16:d’inviolabilités du corps humain.
Je pense sincèrement qu’il appartient au corps médical, et à lui seul, de discerner le légal du licite, de ne pas se comporter comme le vulgaire applicateur d’un texte, mais d’agir selon ses convictions médicales intimes, dans l’intérêt supérieur et le respect, tant moral que physique, de la personne humaine. On ne saurait trop insister sur la gravité d’une législation qui amènerait la société à définir le droit à la vie et le droit à la mort, et risquerait, à partir du « laisser mourir » d’officialiser le «faire mourir ».

Pour revenir à celui qui doit et va mourir, plus que d’une euthanasie parlons, sans hypocrisie aucune, d’une sédation en phase terminale. Le changement de mot n’occulte pas le fait que l’indication de cette sédation en phase terminale se discutant dans certaines situations extrêmes pose plus de questions qu’elle n’apporte de réponses!
Sédation vient du latin « sédaré »: apaiser, calmer. Ce terme, recouvrant soit un traitement antalgique ou anxiolytique soit une indication d’un sommeil, est aussi utilisé pour masquer une euthanasie pratiquée à l’insu du malade. C’est ce dernier champ d’action pour détresse terminale qui nous intéresse également .
La douleur ne peut intervenir dans la décision de supprimer la vie que dans les cas  plus que’ exceptionnels de non possibilité de la neutraliser. En effet, pour la plupart des « biens pensants » l’euthanasie  est avant tout le moyen de libérer le malade de la douleur.
Or, dans les conditions actuelles,tant thérapeutique que structurel , il est possible  d’éliminer pratiquement la souffrance du quotidien des malades en fin de vie. Le problème est non pas médical mais économique avec la rareté honteuse des Unités Spécialisées en Fin de Vie.
La sédation pour détresse en phase terminale, avec recherche par des moyens médicamenteux de la diminution de la vigilance, peut aller jusqu’à la disparition de la conscience. Elle doit fortement diminuer, voir faire disparaître complètement la perception par le malade d’une situation vécue  comme insupportable par celui ci. Décision prise, bien entendu, après que tous les moyens possibles, adaptés à cette situation, ont été mis en oeuvre sans obtenir le soulagement demandé par le malade.
Cela va de la somnolence réversible  à la perte de conscience provoquées: coma transitoire ou permanent.
« Il est permis de prescrire des médicaments pour traiter  de symptômes jugés insupportables par la personne malade, même s’il est probable que ces traitements risquent d’abréger sa vie, si aucune initiative, médicale ou non, ne peut être proposée pour  soulager la personne malade au stade terminal ». La sédation a pour but de soulager la personne malade de la pénibilité et de la peur générées par cette situation extrême.
Ne pas oublier que la mise en oeuvre de la sédation au domicile peut être mal comprise par l’entourage ou interprétée comme un acte d’euthanasie active avec sa conséquence sur le travail de deuil de l’entourage. L’information  du patient et de ses proches  doit être réalisée avec explication de la technique à utiliser, objectif visé et  moyens d’évaluation, risques d’inefficacité ou d’irréversibilité. Il faut également rechercher au maximum le consentement éclairé du malade chaque fois que celui ci en a la compréhension et l’aptitude à en juger. Si ce n’est le cas c’est le consentement  de la personne de confiance ou de la famille qui sera explicitement demandé. Les conditions préalable requises étant rarement réunies à domicile, ces situations nécessitent le plus souvent l’hospitalisation et le recours à une équipe compétente et instruite en la matière.

Sachons aussi que la mort n’est pas une maladie. Elle appartient donc d’abord au patient avant d’appartenir au médecin ou aux proches. La décision concernant l’euthanasie appartient au patient seul,d’où nécessité de légiférer sur l’euthanasie volontaire, permettant d’humaniser d’avantage la fin de vie, ce qui permettra à l’humanité de devenir plus humaine.
Trente années de déculturation de la mort par la perte de son sens religieux, la perte du tissu social de référence, la perte des rituels, ont fait occulter, évacuer, aseptiser, parfois déshumaniser la fin de vie!
L’individu revendique de mourir dignement puisque finalement il faut bien mourir un jour!
Comment aider le mourant sans renoncer? Les techniques médicales ayant pour but de rendre supportable la période de fin de vie sont fiables et sûres; mais il y a le versant psychologique et affectif de la mort annoncée et voulue. C’est pourtant  la nécessité  d’une « perfusion affective permanente »qui s’impose, ce qui demande un entourage familial plein d’abnégation de soi et une équipe médicale compétente non seulement dans sa technicité mais tout autant dans son écoute!
Actuellement notre société s’ingénie à se détourner de la mort physique  sans savoir pour autant identifier la signification  mortelle de certains de ses procédés d’exclusion. Par frilosité, que dis je, par lâcheté intellectuelle, elle se défausse de ses responsabilités sur le corps médical, voulant faire de celui ci son exécuteur de basses oeuvres.
Il est donc temps de légiférer mais en prenant le recul nécessaire pour se donner la possibilité d’évoluer avec  les connaissances et leur résultat. La loi doit suivre et non précéder l’avancement de la recherche!

Rêvons un instant:
« Imaginez vous atteint d’une maladie incurable, terminale, mais vous ne souffrez plus car le traitement antalgique «  à la demande » est là et vous êtes sain d’esprit. Pourtant vous en avez assez de ce bas monde.
Au petit matin  la porte de votre chambre s’ouvre, l’infirmière rentre, un sourire un peu contraint sur le visage ( on ne tue pas quelqu’un tous les jours!), un petit plateau à la main et, dans le plateau, une seringue, LA Seringue!
Elle s’assoie pres de vous, demande votre bras, remonte la manche du pyjama, met le garrot, plante l’aiguille…………et alors elle vous regarde….et ses yeux, ou ses lèvres, posent la question: on y va? J’appuie sur le piston?
Imaginez vous cet instant?

J-B C. (médecin honoraire)  2004

4 réponses sur “L’Euthanasie”

  1. Les internautes danois se montraient agaces lundi 10 fevrier sur Twitter par la vague d’indignation mondiale ayant suivi l’ euthanasie d’un girafon au zoo de Copenhague pour des raisons genetiquesDes autopsies pour les sorties scolaires Lundi, le zoo de Moscou a ete le premier a ouvertement

  2. Les medecins n’ont aucun scrupules a pratiquer des avortements en ce faisant ils mettent un terme a une vie en devenir, et la ils ont des reticences envers l’euthanasie qui elle, met fin a une vie qui est deja fini. ou est la coherence? Ont-ils une morale a deux vitesse? ce n est pas aux medecins, ni au gouvernement de decide a notre place a propos de l’euthanasie, ils n ont qu’a nous permettre d exercer notre propre choix .

  3. Des propositions sur la fin de vie prevoyant d’instaurer un droit nouveau « a une sedation profonde et continue » pour des malades en phase terminale, sans aller jusqu’a l’ euthanasie active , ont ete remises vendredi 12 decembre a Francois Hollande

  4. Des propositions sur la fin de vie prevoyant d’instaurer un droit nouveau « a une sedation profonde et continue » pour des malades en phase terminale, sans aller jusqu’a l’ euthanasie active , ont ete remises vendredi 12 decembre a Francois Hollande

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