Mythes et Rituels

Avertissement : pour respecter nos règles internes, des passages ont été supprimés (…) d’autres modifiés (en italiques) afin de permettre de diffuser ces extraits en préservant le sens global.

De tous temps les sociétés initiatiques on eu recours aux mythes comme « tuteur » de la formation et de l’évolution de leurs adeptes. Soit en reprenant des mythes plus anciens et en les adaptant soit en les créant de toutes pièces. Ainsi en va-t-il du Compagnonnage avec le père Soubise, maître Jacques ou Salomon.
Des Roses-Croix avec Christian Rosencrus issus de l’imagination d’un certain Jean Valentin Andrea (1586-1654) abbé d’Adelsberg, dans un titre « Fama fraternilatis » puis « Réforme universelle du monde entier » et enfin « Rosa florescens, contra Menapii calumnias ». Des sociétés inspirées de des ouvrages se formèrent par la suite en Allemagne et perdurent jusqu’à nos jours…
La maçonnerie n’échappe pas à cette règle et les analogies sont nombreuses avec d’autres légendes et autres emprunts aux civilisations méditerranéennes.

Pas évident quand on se réclame de la tradition laïque au GODF !
Alors pourquoi continuons-nous à étudier ces mythes et légendes ?
Pour continuer le travail de rectification commencé le jour de notre initiation, le travail sur soi afin d’inlassablement enrichir notre réflexion, notre connaissance des subtilités, des émotions, des ressorts intimes qui motivent l’Homme et induisent son comportement. S’améliorer et améliorer la société ….. nous nous y efforçons sans doute … mais la tâche n’est pas achevée comme nous le répète sans cesse, et avec justesse, notre rituel.

Le mythe du meurtre et de la résurrection est un classique des sociétés initiatiques. Pour nous elle intervient dans l’univers de la construction du temple de Salomon.
Le mythe antérieur qui a sans doute fortement influencé cette légende est celui d’Isis ou plus précisément par analogie le mythe d’Osiris.

Ce mythe nous est essentiellement connu par le récit tardif de Plutarque, car les textes égyptiens eux-mêmes sont peu nombreux et assez évasifs.
Selon ce mythe le Dieu Seth, jaloux de son frère Osiris, va s’attaquer physiquement à lui et le tuer. Comment?
Ayant obtenu les mensurations de son frère (qui, selon la légende était un géant), Seth fit fabriquer un magnifique coffre qu’il promit d’offrir lors d’un banquet à celui à qui il s’adapterait le mieux. Naturellement ce fut Osiris.
Lorsque ce dernier se fut allongé dans le coffre, les 72 complices de Seth en clouèrent le couvercle et jetèrent dans le Nil ce qui allait devenir le premier sarcophage, et Osiris périt noyé mettant fin a un règne de 28 ans, (durée qui peut être rattaché au cycle lunaire de 28 jours).
Le sarcophage clos, parfaitement adapté à la forme d’Osiris dérive jusqu’à Byblos où il se trouve emprisonné, encastré, dans le tronc d’un tamaris. Le souverain local fait couper l’arbre qui devient une colonne du palais royal.
Après de multiples péripéties, Isis réussit à retrouver le cadavre de son frère et mari, et le ramena en Égypte. Malgré toutes ses précautions, Seth retrouva le cadavre de son frère et il entra dans une colère noire, et pour interdire à son frère une sépulture digne de son rang, il découpa le cadavre en morceaux. Il dispersa ensuite les morceaux, pensant ainsi se débarrasser définitivement de sa victime.
Mais Isis ne s’avoua pas vaincue, elle entreprit de recueillir les morceaux épars de son époux et entrepris une seconde quête.

Celle-ci consiste à rassembler les différents morceaux d’Osiris dispersés par Seth afin de reconstituer le corps d’Osiris. Seul le phallus d’Osiris ne fut pas retrouvé, avalé par un poisson !.
Isis, avec l’aide de sa sœur Nephtys et d’Anubis réussit à reconstituer l’intégrité physique d’Osiris qui représente ainsi la première momie. Anubis, en reconstituant le corps de son père défunt devint le précurseur « modèle » des embaumeurs.
Isis, par la magie de son verbe, réanime alors son époux et après s’être transformée en milan ou en hirondelle lui redonne le souffle en battant des ailes. Elle reconstitue magiquement le phallus, puis elle réussit à se faire féconder pour pouvoir ainsi concevoir un fils, un héritier, Horus.
On voit ainsi que dans ce mythe, on ne peut pas parler d’une résurrection mais plutôt d’un renouvellement d’existence, d’une perpétuité. Horus continua d’aider aux fonctions essentielles d’Osiris qui « revit » où « survit » grâce à lui.

Pour les Egyptiens Osiris était relié à l’agriculture, sa mort et sa résurrection symbolisant les cycles végétatifs.
La légende tardive de Plutarque correspond en fait à une mise en forme de textes égyptiens authentiques plus anciens où le corps d’Osiris n’est pas démembré mais plutôt se décompose. Comme vous le voyez il y a là une évolution vers le contenu de notre rituel. Dans cette version Isis arrête magiquement cette décomposition grâce à l’aide de Thot et d’Horus. Ceux-ci revivifient le corps en déversant sur lui des signes Ankh (ce hiéroglyphe signifiant « la VIE »). Au passage ce signe Ankh est également utilisé, avec la même signification de « souffle », « vie » chez les … Dogons.

Puisque nous sommes dans un contexte symbolique j’avancerai une analogie osée.
Qu’est ce qui est perdu dans le mythe d’Osiris ? C’est son phallus. C’est lui qui est « substitué » magiquement par Isis et c’est à partir de ce « membre retrouvé » (les associations de mots ne sont pas fortuites) que le pouvoir symbolique du mythe est perpétué.
Dans notre rituel la fertile semence d’Osiris « perdue » est devenue la parole.
Cela doit donner à la transmission orale, une importance vitale; à commencer par nos différents rituels qui constituent autant de clefs permettant de perpétuer la tradition maçonnique.
Il est clair que nous avons peu de secrets corporatifs à nous communiquer pour élaborer notre « chef d’œuvre » compagnonnique. Alors réfléchissons à ces paroles distillées dans nos cérémonies … Imprégnons nous de leurs sens profonds et surtout soyons les passeurs, si ce n’est du savoir maçonnique (de la science), des conditions de mise en situation de les acquérir.

Il me revient une formule maçonnique qui symbolise pour moi la continuité de la chaîne maçonnique de transmission entre nous:
Recevoir
Apprendre à recevoir
Apprendre à donner
Donner

…..
Pour être complet, il est à remarquer que le mythe de la mort et de la recherche de l’être aimé par un autre personnage n’est pas l’apanage d’Osiris ou de notre architecte. Il existe une forte similitude entre le mythe d’Osiris et celui des déesses de l’époque classique Grecque Déméter et Korè ou Perséphone.
Dans le mythe Grec la mère recherche son enfant, dans le mythe Egyptien c’est l’épouse qui recherche les restes de son mari. A remarquer que dans le notre ce sont les fils spirituels qui recherchent leur père.
Dans le mythe Grec, Pluton époux de Perséphone personnifie le seigneur du monde souterrain, Osiris est également dieu des céréales et de la croissance et, Perséphone comme Isis, personnifient toutes deux les céréales.
Rappelons nous, au passage, qu’il existe une expression pour les Compagnons qui évoque « les épis de blés »
Notre mythe n’est cependant pas agricole mais à rapport avec l’édification d’un Temple … Temple que nous savons être multiples, en commençant par notre Temple intérieur et, passant par celui qui couvre nos travaux, pour aller vers notre devoir de participer à l’édification de celui d’une société plus juste.

Cette tâche, notre tâche, n’est pas chose facile, les embûches sont nombreuses.
Des détails contenus dans les deux mythes nous le suggèrent. Tout d’abord la quête du corps est longue ; Isis s’y reprendra même à deux fois…
La découverte du corps, de la substance, de notre quête n’est pas suffisante. Il y a ensuite une phase magique dans le mythe égyptien pour pouvoir utiliser ce corps. Phase dans laquelle Isis est aidée par d’autres personnages. …Pour nous également… Ne faut-il pas en déduire que la quête de notre but n’est pas un simple parcours de santé ? Qu’il nous faudra du temps, nous aider de tous les enseignements glanés au cours de notre cheminement et, enfin que ce ne peut être une quête solitaire, ce n’est qu’ensemble que nous pourrons créer la synergie nécessaire à la poursuite du cycle de vie maçonnique.
Et encore nous faudra-t-il éviter bien des obstacles.
… Ce ne sont pas des sauterelles ou un scorpion représentant le malheur ou la sécheresse dans les légendes égyptiennes, mais bien des dangers plus « humains » :

Ces dangers peuvent être externes à nous même, mais, ne nous leurrons pas, … ces dangers sont bien potentiellement présents en chacun de nous.

Rectifions !!!

Car notre mythe n’est-il pas l’esprit maçonnique par excellence présent en chaque maçon ? Poursuivre l’œuvre c’est continuer de faire vivre la maçonnerie dans ce qu’elle a de plus beau de plus pur « l’idéal maçonnique ». Et ces travers qui nous guettent que sont-ils ?, sachons les reconnaître afin d’éviter de s’égarer et se perdre.

Dans notre mythe, le premier défaut incarne l’ignorance, non pas qu’il soit sot ou inculte mais simplement parce qu’imbu de sa connaissance que je qualifierai de « technique », nous pouvons ne pas voir en quoi, au-delà de notre œuvre personnelle, s’inscrit celle-ci dans quelque chose de plus grand cette connaissance.

Le second défaut symbolise le fanatisme. C’est un « Ayatollah », il détient l’outil qui permet de vérifier l’équerrage de la pierre taillée et l’applique à tous oubliant sans doute de se l’appliquer à lui même. Sachons être tolérants entre nous, non parce que nous sommes lâches ou complaisants, mais parce que c’est la garantie de notre propre expression de maçon libre avec nos propres défauts.

Le troisième, toujours selon la légende, symbolise l’ambition. Celle-ci tue au sens que pour parvenir à son but il faut éliminer l’autre. S’accaparer le chantier, la corporation, prendre le pouvoir pour diriger l’œuvre de façon partiale ou doctrinaire. Mais là la légende s’égare, cela n’existe pas !

Rectifions, rectifions !

La Franc-maçonnerie a, semble-t-il, également utilisé initialement des rituels basés sur d’autres légendes.
La légende des trois fils est présente sur un document en Anglais daté de 1726.
Cette légende raconte comment trois fils se rendirent sur la tombe de leur père pour trouver les indices du secret que possédait ce fameux prédicateur.
Dans la tombe ils trouvèrent un corps presque entièrement décomposé dont les os se détachaient en les touchant. Ils essayèrent de le relever … et devant l’état de décomposition le nommèrent d’un mot que nous connaissons également !
Pour information le père s’appelait Noé et les 3 fils Sem ; Cham et Japhet.

La seconde légende est datée de 1926. Bazalliell était réputé pour ses connaissances en matière de construction de bâtiment. Les 2 frères du roi Alboy-in souhaitaient être instruits par Bazalliell qui ne fut d’accord qu’à condition qu’ils ne révèlent rien sans se joindre à un autre pour faire une triple voix. A sa mort son épitaphe fut « Ci-gît la fleur de la Maçonnerie frère d’un roi et de deux princes. Ci-gît le cœur qui savait tous les secrets. Ci-gît la langue qui ne révéla rien. ». Et tout le monde pensa que les secrets furent à jamais perdus puisque les princes qui étaient tenus par leur serment n’étaient que deux et non trois. Voici donc une autre version perte d’un secret.

Il existe plusieurs rites qui s’appuient sur un support, un mythe différent, pour aider à réfléchir sur d’autres thèmes, d’autres qualités maçonniques. …

Rappelons-nous les défauts énumérés plus haut :
Sur l’ignorance, notre démarche est initialement inscrite dans les trois degrés qui mènent à la maîtrise.
Il nous faut donc discerner l’essentiel de l’accessoire dans notre engagement initiatique.
Le fanatique lui voulait « tailler » les autres avec son référentiel personnel …. Peut importe le rite, le parcours, l’important est le but.

L’important est d’être fidèle à notre propre référentiel. Veillons simplement à ce qu’il ne soit pas faussé et appliquons le à nous même avant de vouloir l’imposer à d’autres.
Enfin l’ambition de ceux qui voudraient, à coup de maillet, forger la maçonnerie à leur volonté, à leur intérêt.
Le perfectionnement impose, encore plus qu’ailleurs, de se garder de ces défauts et lorsqu’ils sont découverts, de les éradiquer.

Rectifions, rectifions, rectifions.

La Maçonnerie, son rituel, ses mythes, et après ? ….

Et si une partie de la réponse était dans une autre question « La Maçonnerie, et avant ? » !
Cette question, nous pouvons, nous devons, nous la poser de temps en temps pour vérifier si les raisons qui nous ont poussé à entrer en maçonnerie sont des faits aujourd’hui avérés, où bien si nous nous sommes trompés sur certains principes.
En avons-nous « perdus » ?
N’en avons-nous pas trouvé d’autres auxquels nous ne pensions pas initialement ?
Certains se sont-ils « substitués » ? Comme la fraternité, difficilement perceptible de l’extérieur ou l’étendu du concept de laïcité ?

Ce questionnement paraît important et devoir être remis sans cesse sur l’ouvrage … C’est à ce prix que nous servirons notre ordre et donnerons envie à des profanes de nous rejoindre.

31 octobre 2006 JC D

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